"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

25.9.23

Fifty-fifty

Samedi soir nous sommes allés au théâtre et avons passé une bonne soirée. Toutgrand et Toutebelle étaient des nôtres et ont beaucoup apprécié également.

Mon aïeule n'a eu de cesse de s'extasier sur cette grande première.

Le lendemain matin, elle s'éveilla à la première heure pour préparer le déjeuner dominical et alors que nous la remerciions pour le bon repas, nous eûmes droit à un "profitez-en tant que je peux encore le faire..." 

Le premier acte était lancé. 

Ensuite ce fut "c'est fou comme l'air est meilleur chez vous, l'herbe plus verte, le soleil plus brillant, etc"

Elle se tourna vers mon amoureux en lui disant," franchement, si je n'avais pas un rendez-vous médical, je serais restée plus longtemps."

Voyant que sa remarque ne provoquait pas de réaction, elle surenchérit "c'est vrai, A (ma niece) vit avec moi, mais comme elle travaille beaucoup, je ne la vois pas de toute la journée, alors je m'ennuie".

Je lui répondis que chez nous ce serait la même chose, en fait.

Alors elle mit des trémolos dans sa voix  "Oui, mais il n'y a que chez vous que j'aime dormir".

Alors je lui répondis qu'elle ne pouvait pas savoir, vu qu'elle n'essayait même pas chez mes sœurs et frère et que quand elle leur rendait visite elle ne se montrait pas assez aimable pour qu'ils aient envie de réitérer.

C'est le moment où elle se mit à bouder. 

J'enfonçais le clou en disant que je n'étais pas la meilleure des filles, comme elle le répétait depuis quatre jours, parce que je lui fais régulièrement des virements et organise un trajet 4 étoiles quand elle vient nous voir. Qu'il fallait arrêter avec son truc de la fille prodigue, que sa meilleure fille c'est assurément ma sœur N, qui a le mérite de s'occuper d'elle au quotidien, de s'assurer qu'elle ne manque de rien et de revenir la voir, bien que n'étant pas toujours bien reçue.

Re-bouderie.

Je lui dis que si elle voulait sortir de chez elle, faire des choses nouvelles et passer de bons moments, il lui suffisait de s'inscrire dans une association de personnes âgées de sa commune et/ou de répondre aux invitations de ses nombreux enfants et petits-enfants. Aussi, elle se tourna vers Toutgrand en lui demandant quand il l'inviterait chez lui, il esquiva habilement. 

Vexée, elle me dit que si je ne voulais pas qu'elle vienne nous voir je n'avais qu'à le dire. Elle décrocha son téléphone à table pour appeler une autre des mes nièces et nous montrer qu'elle était une bonne grand-mère qui s'intéressait à ses autres petits-enfants. Mais manifestement ma nièce ne l'invita pas à lui rendre visite. 

Elle termina le déjeuner en boudant et quand mon amoureux lui dit qu'elle serait la bienvenue pour le réveillon du nouvel an (que nous passerons en famille créative*), elle lui demanda si vraiment elle était invitée et qu'heureusement il était là sinon elle ne serait pas la bienvenue chez sa propre fille. Sourires amusés de mon amoureux et mes enfants. Fin de l'acte 4.

Elle se fit prier pour partir en balade digestive sous un beau soleil, mais finalement eut plaisir à se faire bichonner par son gendre.

Épuisée, elle dormit le reste de l'après midi, pendant que je raccompagnai Toutgrand et partis faire une longue balade au soleil avec mon amoureux.

Toutebelle eut droit à 2-3 scuds au sujet du fait qu'elle avait certainement plus d'argent qu'elle**et pourrait lui offrir un nouveau téléphone. Ma patiente fille lui fit remarquer qu'elle était en formation et ne travaillait pas, mais qu'elle allait lui montrer comment optimiser la mémoire de son téléphone pour pouvoir l'utiliser encore quelques jours.

Bref ! Nous nous préparons des soirées sympas, jusqu'au moment où nous la raccompagnerons en gare et qu'elle nous offrira un nouvel explicit en montant dans la voiture.

La dernière fois ce fut "bonjour solitude...".

Depuis, dans la famille en douce, on l'appelle Sarah Bernhardt.


* je trouve ça plus joli que famille recomposée
**Elle adore qu'on lui fasse des cadeaux, n'hésite pas à en réclamer et va ensuite s'en vanter auprès de tout le reste de la famille, en mode compétition. 

10 commentaires:

Bellzouzou a dit…

Moi aussi il n'y a que chez vous que j'aime dormir, je peux rester vivre chez vous pour toujours??

Névrosia a dit…

:-D tu devras d'abord te battre avec mon aïeule, mais avec plaisir.

Tili a dit…

Hummm quel plaisir :-) Aller, des bisous va.

Névrosia a dit…

Tili : Merci, mais ça ira. Souvent elle me fait de la peine, car je sens bien qu'elle souffre sincèrement de la solitude et qu'elle est vraiment heureuse d'être avec nous, mais je sens plus encore combien une cohabitation quotidienne serait dommageable à ma bonne santé mentale.

Névrosia a dit…

Des bisous too

Anne a dit…

Mais tu as entièrement raison de lui dire les choses...
(On dirait une ado)
Ici c'est mes sœurs qui se défilent, celle qui n'est pas revenue pendant deux mois après qu'elle ait été responsable de l'accident dans lequel maman a été blessée, celle qui vient deux fois par an, pour une nuit. Du coup, c'est moi qui gère les hauts et les bas au quotidien. Sans douleur, heureusement, maman n'est pas chiante. Juste... Vivante?
Bisous

Névrosia a dit…

Ta mère vit près de chez toi ? Je lisais récemment un bouquin très intéressant au sujet des liens parents enfants et de la question de la dépendance des personnes âgées. Je suis partagée entre l'amour que je porte à cette mère devenue vulnérable, mon sentiment de responsabilité/devoir et en même temps tout cela ne me semble pas normal. J'espère (et suis convaincue) que je ne me comporterai jamais ainsi avec mes enfants. Je suis désolée que tu ne puisses pas partager l'accompagnement de votre mère avec tes soeurs. C'est rarement équitable et ça se passe rarement bien. Côté charge mentale tu étais déjà aux max. Courage ! Bisous

Anne a dit…

Maman habite le village à coté. Et quand mes parents ont fait le choix de s'y installer mon père a été clair: "Pour être à coté de chez toi pour plus tard".
C'est surtout désolant pour mes sœurs, maman n'est pas éternelle et elles risquent de se réveiller trop tard...
Moi aussi j'espère être une chouette "petite vieille" (d'après mon élève je uis une personne âgée, déjà) avec les miens, quand ce sera le moment.

dany a dit…

J'ai vécu avec maman ce que je ne voudrais pas être avec ma fille et ma petite fille en vieillissant ! Maman n'est pas pour rien dans la brouille avec mon frère, elle avait semé des pièges et des foyers de dynamite dans des écrits ou des objets cachés !

Névrosia a dit…

Dany :
"Elle avait semé des pièges et des foyers de dynamite dans des écrits ou des objets cachés !" C'est terrible de faire ce constat au sujet de sa propre mère, mais il est vrai que certaines mères sont toxiques. Une psy m'avait dit un jour "c'est surprenant que vous ayez réussi à être une bonne mère avec celle que vous avez eue". Même enfant j'avais conscience du fait que l'attitude de mes parents était dysfonctionnelle et en grandissant, plus je discutais avec mes amies et plus je réalisais que nombreuses sont les familles dysfonctionnelles. Alors j'en suis arrivée à la conclusion qu'être un bon parent c'est d'être le plus bienveillant possible, leur dire qu'on les aime et les assurer de notre présence en cas de problème. Bref ! Juste faire de notre mieux. J'ai souvent ma mère au téléphone et je me sens parfois coupable de la solitude qu'elle exprime, mais dans ces moments là je me souviens que je ne suis pas sa seule enfant et que les autres ont également leur rôle à jouer. Peut être que tu pourrais écrire à ton frère ?