"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

23.3.20

Revenir aux fondamentaux :

Ceux qui me connaissent un peu vous diront que je cache difficilement un romantisme exacerbé.

Je ne suis pas du genre à attendre le coucher de soleil pour chevaucher un blanc destrier sur la plage  les cheveux au vent, mais je suis une dingue d'amour.

J'aime l'amour sous toutes ses formes : celui qui se dit, celui qui se montre, celui qui se devine...
Le flamboyant, le discret, le tenace...

C'est bien simple, quand quelqu'un commence à évoquer son amour, tel un suricate je suis aux aguets et tous mes sens prêts à savourer ce nouveau récit d'amour.

J'aime les récits de rencontres, bien sûr, mais plus encore les récits d'amours qui durent, grandissent se transforment, renaissent de leur cendres. J'aime aussi les amours inattendues, les découvertes d'autres formes d'amour, les amours auxquelles on ne croyait plus. Bref ! Je suis accro à l'amour.

Aussi, quand je réfléchissais à ce qui me ferait le plus plaisir à l'issue du confinement, au fond de moi je me suis dit que ce serait sans conteste recevoir des récits d'amour. 
J'suis tellement en manque qu'à un moment j'envisageais de me rendre dans les maisons de retraite (sous le prétexte d'écrire un livre), pour recueillir le témoignage de femmes qui ont eu le temps de le croiser une ou plusieurs fois, même si à l'époque il se faisait plus pudique.

Bon alors, vous l'aurez compris, si vous vouliez bien me raconter une ou plusieurs de vos histoires d'amour, même anonymement, ça me ferait drôlement plaisir, peut-être même que ça me sauverait la vie (oui, je n'hésite pas à employer le chantage affectif dans les situations d'urgence vitale).


28 commentaires:

Anne a dit…

Ok! Dès que j'ai un peu de temps.

dany a dit…

oh! peut-être… Il me faut un peu de temps...

Zozostéo a dit…

Pas facile d'être anonyme... Mais juste pour allécher, l'amour qui dure, je connais!

Névrosia a dit…

Anne, Dany :
J'ai hâte de vous lire.

Zozostéo :
Ooooooooooh que c'est moche le teasing ! :-)

Anonyme a dit…

L'amour qui dure, qui se transforme, qui renaît, mais c'est tout moi...sauf que je ne sais pas écrire et j'aurais peur que, de ce fait, mettre sur papier cette histoire d'amour viendrait la ternir, la salir, la tronquer.
Et pourtant, j'adorerais lire tant d'histoire d'amour, celle qui ont été et qui resteront.
Merci pour cette proposition, la plus belle sans doute.

Névrosia a dit…

Peut-être exprimer les choses comme on les ressent, sans crainte du jugement, avec humilité, est-ce cela écrire ? L'essentiel pour moi c'est la simplicité et la sincérité.
Nous ne sommes pas tous Louise Labe ou Victor Hugo, mais nous aimons aussi.
Et c'est toujours émouvant.
Bonne journée

myriam a dit…

Oh, tu me tentes, ça va être doux de s' y replonger...

Névrosia a dit…

Replonge, replonge !!!!! :-)

Anonyme a dit…

En pleine insomnie, alors je te raconte…
Eté 1987 : j'ai 13 ans, c'est la 2e fois que nous venons dans ce camping avec mes parents, il est planté à K., au bout de la France, "là où les vents se mêlent, là où se finit la terre, là où est si grand le ciel, là où se bat la mer…" (dixit Miossec). Le plus bel endroit au monde. Une belle bande de copains, je découvre U2 avec les potes irlandais, on passe trois semaines entre mer et piscine, je fais connaissance avec G. et le trouve très chouette (mais il est vieux ! 2 ans de plus que moi).

Eté 1989 : De retour à K. A la maison, j'ai un petit copain, il est gentil, fait plusieurs fois par semaine 34 km à vélo pour me chercher à la sortie du collège -il est en 1ère et son année est terminée-, il ressemble à Pierre Cosso… et il a la personnalité d'un blanc de poulet. Au camping, le groupe de copains se reforme. G. est là comme chaque année, il est un peu plus âgé que moi, mesure à présent 1,89 m (je culmine 30 cm plus bas), il est bâti comme une armoire normande, doré comme une brioche et ses yeux sont presque ceux de Bowie (une large tache brune mange le vert de son oeil gauche). Même s'il ne lui ressemble vraiment pas, sa drôlerie, sa répartie et sa gouaille me font penser à Coluche… il a passé dans ce lieu tous ses étés depuis qu'il est né, il connaît tout le monde, se balade régulièrement avec une ribambelle d'enfants à ses basques (et ça c'est irrésistible pour moi !) -il remplace les animateurs du camping quand ils sont en veine d'inspiration-, on s'entend comme larrons en foire. Un de ses copains me tourne gentiment autour… Je passe beaucoup de temps avec G., il m'écrit des poèmes dans lesquels je crois qu'il plaide la cause de son copain, jusqu'à ce que je comprenne que c'est de lui qu'il s'agit. Notre premier baiser me bouleverse, vraiment (j'ai déjà eu quelques amoureux mais rien à voir…). On ne se quitte plus d'une semelle jusqu'à mon départ, qui est un véritable déchirement.

Eté 1990 : on s'est écrit toute l'année, plusieurs fois par semaine. On s'appelle parfois, très peu : le téléphone est au milieu du salon et même avec un écouteur ça manque d'intimité dans ma famille nombreuse. J'ai acheté au fil de l'année 3 ou 4 cartes téléphoniques avec les sous de mes baby-sitting, cartes craquées en une seule fois dans la cabine téléphonique de mon village (d'ailleurs, je me rends compte que je connais encore son n° par cœur : 16.1.43.44...). J'arrive au camping l'estomac noué, je trace au bar, tellement vite que je ne le vois pas. Il m'attrape, me présente à ses amis, et très vite on file à la plage. Je suis blottie dans ses bras, à l'abri d'un rocher, on regarde le soleil se coucher sur la ville d'Ys, et j'ai l'impression de retrouver mon souffle.

Anonyme a dit…

Suite…
Bref, cet été 90 commence bien. Je l'aime, je me sens mûre, j'ai envie de "franchir le pas" avec lui. Mais ça ne se passe pas comme espéré : une sorte de gêne, de distance s'installe, on a l'impression de ne plus se comprendre, en tout cas moi je n'y comprends plus rien. On se quitte. Le camping est plein de gentils garçons sensibles à mon charme et je me laisse approcher de très près, espérant une réaction. Mais c'est fini pour nous et je rentre le cœur gros.
Quelques semaines plus tard, je reçois une lettre : il veut qu'on reste amis, soit, avec la distance ce sera tenable.

Automne 1990 : je suis en 1ère et je rencontre R. Très vite ça devient sérieux, on est très amoureux, on fait plein de projets.

Eté 1991 : j'emmène R. en Bretagne, à quelques km de K., et je pense à G.

Eté 1992 : j'ai l'idée de génie d'emmener R., avec qui nous sommes sur le point de nous installer, à K., accompagnés d'un couple de copains. A peine arrivée au camping, je tombe sur la mère de G. ("il va être super heureux de te voir !"... ou pas…). Les vacances sont catastrophiques, les copains sont des bonnets de nuit avec des oursins dans les poches, on ne va jamais au bar, et tous les soirs je rêve de filer en catimini rejoindre G. sur la plage. D'ailleurs, une nuit je fais un rêve peu avouable… J'apprends avant notre départ que G. a écourté son séjour de 15 jours, j'apprends un peu plus tard que sa voiture a fait plusieurs tonneaux sur le chemin du retour et qu'il a eu beaucoup de chance de s'en sortir.

Automne 1993 : un an après mon installation avec R., l'explosion (sa mère est tombée gravement malade et cela a beaucoup impacté notre -toute jeune- vie de couple). J'ai planté mon année de fac et suis de retour chez mes parents, anéantie (R. dit qu'il m'aime encore mais qu'il a besoin de légèreté et d'expériences…).
J'écris la nouvelle à G., qui me répond qu'il est navré de me savoir si triste, mais qu'en vérité il n'attendait que ça. Je ne suis pas prête, mais dans les 6 mois que dureront ma rupture avec R., il sera très présent et d'un grand réconfort.

Avril 1994 : L'année de mes 20 ans est bien chargée en malheurs. Après avoir tenté de recoller les morceaux avec R., je me suis décidée à le quitter, de façon ferme et définitive, mais complètement vidée. G. me dit "viens", je file à Paris où vit ma grand-mère, je dors chez elle. Il vient me chercher chez elle le premier soir, je monte dans sa voiture, nous sommes très émus, il roule 150 mètres et s'arrête. On se serre, on se tient les mains, il me réchauffe et me "réconcilie".
Le lendemain matin, lorsqu'il vient me chercher, ma sœur vient de m'appeler : R. a cherché à me joindre, sa mère est morte dans la nuit. Notre journée avec G. est foutue, je ne sais plus où j'en suis. On se balade un peu mais la cœur n'y est pas, il me ramène, s'en va et puis revient une heure plus tard avec une longue lettre. Il y écrit qu'il comprendra si je retourne vers R., que si un jour il a des enfants il regrettera qu'ils ne me ressemblent pas.

Anonyme a dit…

Suite de la suite ;-)

Je ne retourne pas avec R., plus rien à sauver. Mais je ne peux plus répondre aux désirs de G., je me sens asséchée, incapable de donner quoi que ce soit, pas à la hauteur de ce qu'il m'exprime, j'ai besoin de m'éloigner, un peu. Je n'écris plus.

Eté 1994 : mes parents ont décidé de retourner à K. et me proposent de venir avec eux. Etrange de retourner en vacances avec eux… je ne préviens pas G. de ma venue mais je sais qu'il sera là. Il est bien là, flanqué d'une adorable petite brune, C., que je décide de haïr de suite. Les vacances sont très différentes de ce que j'imaginais mais elles sont belles et pleines de rencontres… je passe d'ailleurs une nuit, discrètement et sans préméditation, deux jours avant de partir, avec l'une d'elles. Le dernier soir, coup de blues et je m'échappe du bar… G. me suit, me retrouve, m'enlace, me console et m'embrasse : un mot de moi et il quitte C., elle n'est rien pour lui, il espérait me rendre jalouse… mauvais timing, je pars demain et il est encore là avec elle pour une semaine, inextricable.
GAME OVER.

On a continué à s'écrire de loin en loin… on aura eu le temps de s'expliquer notre rupture (mon envie d'aller plus loin, sa peur de me brusquer, on n'a pas su se le dire)… en 1996, j'ai été très heureuse pour lui d'apprendre que sa nouvelle compagne avait donné naissance à un fils -mais j'en ai pleuré pendant 2 jours.

De temps en temps, un petit mot...

1989 a été mon "été de porcelaine", et je tressaille toujours un peu lorsque j'entends "Total eclipse of the heart". Il reste un fil, très fin, presque invisible… je me suis longtemps dit que si je ne rencontrais plus jamais personne de ma vie j'aurais eu cet Amour-là. Il me reste de lui trois cents lettres et des poèmes cachés dans une boîte secrète, quelques précieuses photos. J'ai un "nouveau" chéri depuis 22 ans, je suis heureuse. Mais j'ai et j'aurai toujours pour G. une tendresse infinie.

Névrosia a dit…

Merci, merci mille fois de nous avoir confié votre histoire.
C'est très romantique. Ça me réconforte de vous savoir heureuse.

Savez-vous ce que vous ferez de ces trois cent lettres et poèmes cachés ? Ne craignez pas que votre "nouveau" chéri tombe un jour dessus (s'il vous arrive une chose que je vous souhaite pas) et qu'il ne s'en remette pas ?
Reposez-vous bien.

Anonyme a dit…

Mon courrier est resté chez mes parents, je ne sais pas ce que j'en ferai, je n'ai que les poèmes dans cette boîte à secrets.
Mon homme ne connaît pas mon passé amoureux, même s' il l'a "croisé" malgré lui (mais c'est une autre histoire... ;-) ). Celui avec qui j'ai vécu juste avant lui voulait tout savoir, j'ai dit, et ce fût une catastrophe, je me suis alors juré que c'était la dernière fois que je disais tout à un amoureux. Il sait que j'ai un passé et il fait avec, la seule fois qu'il a laissé sa curiosité l'emporter, il a retiré sa question avant que je réponde.
Notre histoire est aujourd'hui basée sur 22 ans de confiance, avec de belles fondations et une grande famille, c'est l'Histoire de ma vie d'adulte.
Peut-être qu'un jour, en vieillissant, on se dira... peut-être pas...

Névrosia a dit…

Aurions-nous droit à l'histoire du croisement malgré lui ?
Je sais, je sais... :-) mais la réalité me semble toujours plus surprenante et intense que la fiction.
Merci en tout cas, ce fut très touchant.

E. a dit…

Hello
Essai de commentaire avant de poster mon histoire.
Ça fonctionne?..

E. a dit…

Ça fonctionne! (De mon téléphone, ça ne marchait pas...)

J'avais 18 ans et j'avais déjà lu pas mal de romans d'amour. J'avais bien en tête que les coups de foudre, ça n'existe pas: ce sont de jolies choses inventées pour faire rêver.
C'était l'automne, et j'étais assise avec ma copine L. à une table carrée de la grande salle de la bibliothèque universitaire. On discutait avec A, et j'ai tourné la tête, me sentant observée. Je m'attendais à me faire rabrouer pour le bruit, et puis j'ai vu son gentil sourire moqueur, qui me disait tout autre chose. Quelque chose comme "je t'ai vue"
Je me souviens de tout: les yeux bleus derrière ses lunettes, la table ronde à laquelle il était assis (celle de gauche), sa chemise jaune à carreaux. (que j'ai trouvée très moche)
Je me souviens surtout de ce sentiment de puissante reconnaissance, alors que je le voyais pour la première fois: on s'appartenait, on se comprenait totalement, sans avoir rien choisi. C'était inéluctable.
Nous ne nous sommes pas parlé ce jour-là.

Névrosia a dit…

Un sentiment de puissante reconnaissance...
La suite, la suite ! :-)

E. a dit…

Les semaines qui ont suivi, on a tourné l'un autour de l'autre, mais moi je ne le savais pas.
J'étais jeune et naïve; je ne voyais pas les signes que maintenant j'interprèterais immédiatement comme de l'intérêt de sa part: quand je l'ai entendu poser une question à quelqu'un sur mon ancien petit copain, quand il a dessiné un lapin sur le semelle de ma chaussure, quand il m'a prêté sa gourmette pour que je l'attache autour de ma cheville...

J'etais totalement subjuguée, mais -étonnamment pour moi- pas du tout intimidée. Il avait 5 ans de plus que moi, mais il ne m'impressionnait pas. Il y avait entre nous une connivence naturelle.

D'un côté, il me semblait impossible que je puisse l'intéresser, mais de l'autre, je nous sentais totalement connectés.
En y pensant maintenant, je crois que je n'étais pas impatiente, et que je ne me posais pas vraiment de questions. J'avais confiance.

Névrosia a dit…

Quelque chose me dit que ça ne s'est pas arrêté-là !? :-)

E. a dit…

C'etait une soirée organisée par la fac juste avant la publication des résultats du concours.
Sur la terrasse du café, nous étions quelques uns à discuter autour d'une petite table. Il ne devait pas y avoir assez de place: je me suis retrouvée sur ses genoux. Il faisait froid (on était en février): il m'a invitée sous son pull. Je me souviens qu'il a dit à quelqu'un qu'on était "un monstre à deux têtes". Je me suis rendue compte à un moment que ma main gauche était dans sa main droite; je l'ai montrée du regard à ma copine L. J'étais si heureuse.
Au bout d'un moment tout le monde s'est levé: on devait se diriger vers l'endroit où se déroulait la suite de la soirée.
Et là, en sortant de son pull, on s'est retrouvés tous les deux comme dans une petite tente en jacquard beige et vert, et il m'a embrassée. En écrivant ces mots, j'en ai encore le cœur qui bat très fort. Ça a été le moment le plus romantique de toute ma vie.

E. a dit…

À la fin de la soirée, il m'a raccompagnée chez moi. On regardé la ville depuis mon balcon, et je l'ai invité à rester, mais il n'a pas voulu.
Dans la toute petite entrée de mon minuscule appart du 18ème étage, j'ai dit tout doucement dans son pull, pour ne pas qu'il m'entende, que je l'aimais. Je savais que c'était trop tôt, et puis il me semblait déjà se détacher un peu, alors j'ai voulu poser mes mots là, pour ne jamais oublier.

Et puis...ça s'est très vite terminé. Nous nous sommes vu deux fois, une fois chez moi et une fois à la fac.
Il soufflait le chaud et le froid: il a passé un moment avec moi quand j'ai reçu les résultats du concours, et il avait l'air très fier. Je me souviens qu'il a dit à un de ses copains: "t'as vu les résultats de la dame?"
Juste à côté de la photocopieuse, il m'a demandé par quel petit nom je voulais qu'il m'appelle. Il a proposé "ma puce".
Mais je le sentais s'éloigner. Quelques jours plus tard, il m'a dit qu'on arrêtait "parce qu'en ce moment je ne sais pas où j'habite"...

E. a dit…

Nous encore fréquenté la même (petite) fac pendant 1 an et demi, jusqu'à ce qu'il parte dans une autre ville. Je l'ai vu avec d'autres filles. Il a toujours été tres civil, et parfaitement froid avec moi.
Je trouvais ça terriblement difficile d'avoir été si proche de lui et de ne plus avoir droit à rien. Je ne comprenais pas comment je pouvais ressentir tout ça, et lui rien, Ça me semblait impossible, incroyable.

Pendant des années, j'ai pensé qu'il viendrait m'expliquer qu'il s'était trompé, que maintenant il était prêt à vivre notre histoire. Je me disais que comme j'etais moins jeune (je pensais que c'était ça qui l'avait éloigné, que je n'étais pas assez interessante), je pourrais lui montrer qui j'étais vraiment et qu'alors il m'aimerait.

J'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari et le père de mes enfants, et ça a été un amour très différent, dès le départ. Un amour qui s'est construit petit à petit, et qui est devenu l'amour de ma vie (ça fait 26 ans, et c'est toujours de mieux en mieux, vraiment)

Je me suis rendu compte (assez tardivement je dois dire) que cette histoire de jeunesse était un coup de foudre comme on l'explique dans les livres: on ne connaît pas l'autre, on reconnaît quelque chose de soi en lui.
Ça ne diminue pas l'intensité de ce que j'ai vécu (je suis d'ailleurs très heureuse d'avoir eu ça, qui fait totalement partie de moi), mais j'ai eu besoin de rationaliser pour comprendre que cette histoire était impossible.

Je pensais ne jamais le revoir...

Névrosia a dit…

Ooooooooh! Vous l'avez revu alors. Je ne bouge plus, je meurs d'envie de savoir s'il a donné des explications.

E. a dit…

J'étais assise seule dans le TGV pour Paris; j'allais y rejoindre une amie pour un congrès. J'aime beaucoup ces moments où je ne suis ni épouse, ni maman, juste moi. J'ai l'impression d'avoir 18 ans! Bon, là j'en avais 40.
Avec les années, je m'étais dit que si un jour je le recroisais, je pourrais sereinement lui dire que j'étais contente de le voir, que j'avais été terriblement amoureuse de lui et que c'était un bon souvenir. Je me sentais mûre, adulte, guérie de lui.

En arrivant à Paris, les passagers commencent à sortir du train et n'étant pas pressée, je les laisse passer. L'un d'entre eux me fait signe d'avancer avec un peu d'insistance, et sans le regarder vraiment, je lui montre que je descendrai après lui.
Je me trouve donc en haut de l'escalier de la voiture du TGV, juste derrière lui. Et là (encore une fois, rien qu'en y pensant, mon cœur bat!) je vois son poignet, la fameuse gourmette, ses cheveux... je suis pétrifiée. Je sens bien que lui, il m'a reconnue tout à l'heure mais il ne se retourne pas: il attend que je fasse le premier pas.
Et pour moi, c'est tout simplement impossible. L'abandon s'il y a 22 ans me revient de façon physique. Je me dis que je suis en train de vivre un des moments les plus importants de ma vie et je ne peux pas faire un geste.
Je le suis de façon automatique en descendant l'escalier, en priant pour qu'il se retourne, ce qu'il ne fait pas.
Sur la quai, il avance, quelques pas devant moi, en regardant bizarrement le train, je pense pour tourner la tête vers la droite pour que je le reconnaisse.
C'est trop difficile.
Presque arrivée au bout du quai, je me dis distinctement "maintenant ça suffit"; je le double et je disparais dans la foule.

Je ne voulais pas être celle qui demande. Je ne pouvais pas. 22 ans plus tard, j'étais redevenue une jeune fille abandonnée par son premier amour.

Je me demande ce qu'il se passerait si je le revoyais maintenant. Suis je guérie? Le serai je un jour?
J'aimerais tellement avoir son point de vue sur cette histoire, mais en même temps je crains d'entendre que ça n'a été qu'anecdotique pour lui et je préfère fantasmer un amour impossible...

Névrosia a dit…

Merci beaucoup E. C'est très romantique en effet. Ce monsieur me fait l'effet d'être un peu manipulateur quand même.
Heureuse que vous ayez résisté.
C'est surprenant l'emprise des sens, un homme avec lequel j'ai eu une brève histoire il y a longtemps me faisait cet effet là. C'était incroyablement magnétique, très physique. Je le désirais de tous les pores de ma peau, alors qu'intellectuellement et raisonnablement, il ne m'intéressait pas plus que ça. J'étais accro à ce vertige et craignais de ne plus jamais ressentir cela de toute ma vie, jusqu'à ce que je rencontre mon bûcheron.
Il suffit qu'il soit très près de moi pour faire fondre toute résistance, je ne me sens vraiment bien que dans ses bras. Aussi, quand nous sommes fâchés et que je ne veux pas céder, je mets le plus possible de distance entre nous :-)
Je pense que nous avons toutes besoin de notre fantasme amoureux, sans que cela ne remette en cause la sincérité d'un amour inscrit dans la réalité, avec ses mauvais côtés.
Quand mon bûcheron m'énerve et que je me surprends à me demander si j'aurais été plus heureuse avec mon fantasme, je me dis que mon bûcheron est certes imparfait (et que l'autre doit l'être au moins tout autant) mais que lui a eu le bon goût de me choisir, qu'il a la faiblesse de m'aimer et de me le montrer, que c'est sur lui que je peux compter quand ça ne va pas et qu'il a la force de me supporter et d'être prêt à le faire jusqu'à son dernier souffle : et rien que pour ça je me dis qu'il mérite une médaille :-)
"Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras" ;-)
Merci encore E.
Je vous souhaite de continuer d'être heureuse et de continuer de rendre votre amour à celui qui vous en donne.

E. a dit…

Merci pour ce commentaire. Je regrette presque que mon histoire soit finie, juste pour avoir le plaisir de discuter avec vous!
Il y a plein de choses sur lesquelles je voudrais rebondir (et comme j'ai pas mal de temps, même si c'est beaucoup plus lourd par écrit que pendant une conversation normale, je le fais!):

Oui, je le pense un peu manipulateur. Je le connais très mal, mais je n'en ai pas entendu dire que du bien (même si ça ne concernait pas ce trait de caractère là).
Ce qui m'amène à: oui, je suis sûre qu'il a des défauts, au moins autant que mon mari, mais oui, il reste cette attirance inexplicable à laquelle j'étais accro.

Je suis contente d'avoir votre avis sur le fait d'avoir résisté: je voyais plutôt ça comme une faiblesse; ça me fait réfléchir.
Et puis c'est rassurant de lire que vous pensez que nous avons toutes besoin de notre fantasme amoureux, et qu'il ne remet pas en cause nos vraies histoires. Je me sens faire partie d'un groupe de femmes, ça m'aide...

Mon amoureux ressemble au vôtre, d'après ce que j'ai pu lire preçedemment. (Le geste qui m'a le plus touchée est celui du tableau qu'il a accroché chez vous, qui traînait depuis un moment)
Pas de weekend à Venise, pas de grande déclaration mais il est atttentif à ce que j'aime (la semaine dernière il a reconditionné un vieil ordi pour que je puisse travailler dessus, et sur la page d'accueil il a mis une photo d'Irlande, mon pays préféré: ce genre de geste) et il me laisse être tout à fait moi même sans me le reprocher, même quand je suis pénible.

"Je ne me sens vraiment bien que dans ses bras": mais ouiiii! Une séance de bras obligatoire tous les soirs sur le canapé (nos enfants se moquent allègrement)

Et puis votre toute dernière phrase m'a particulièrement touchée: l'été qui a suivi mes 18 ans, j'ai été serveuse pendant quelques jours et le DJ passait souvent "I will survive", la chanson de Gloria Gaynor qui est ensuite devenue l'hymne des footballeurs en 1998.
Toute la chanson résonne terriblement pour moi avec cette histoire, mais particulièrement les derniers mots: "now I' m saving all my loving for someone who' s loving me"...

Merci pour l'idée des histoires d'amour, pour le commentaire, et pour le blog!

Névrosia a dit…

Merci pour tout et en particulier pour votre confiance. C'est vrai qu'avec les échanges sur les blogs on se sent moins seule, moi la première. Nous pourrons continuer d'échanger, avec grand plaisir. Au plaisir de vous lire, ne serait-ce que pour partager vos anecdotes de confinement. À bientôt

Névrosia a dit…

p.s :

E. Je vous ai envoyé un mail, jetez un œil dans vos spams peut-être.
Bon dimanche