"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

29.8.22

Sur le divan

Quand nous avons commencé nos blogs, pour la plupart il y a plus de quinze ans, c'était principalement pour partager nos préoccupations concernant nos jeunes enfants, nos couples, ou notre travail. 

Nous avons vaillamment surmonté l'épreuve de l'adolescence de nos enfants.
Quelques divorces et quelques interrogations diverses plus tard, nous commencions tout juste à souffler lorsque deux nouvelles préoccupations ont pointé leur nez : les beaux-enfants et les parents vieillissants. 

Une amie de longue date me disait récemment : "C'est fou la confiance que tu places en tes enfants. Depuis toujours tu les trouves merveilleux."
Et c'est vrai. Ils ne sont pas parfaits, bien heureusement, ils parviennent à m'énerver considérablement (et réciproquement), mais je suis immensément fière des adultes qu'ils sont devenus, aussi j'ai toute confiance en leur jugement pour aimer des personnes merveilleuses. 

Par contre, les parents vieillissants c'est une autre affaire. 

Chacun de mes parents mériterait un roman, mais on ne rirait pas souvent. Ils ont été aimants, à leur façon, mais je peux vous confirmer que les défauts s'accentuent avec le temps. 

Démonstration : 

Ma mère à insisté pour être présente le jour de mon anniversaire, aussi je lui ai payé le billet, suis allée la chercher à la gare tgv et à peine arrivée à la maison elle s'est plainte que je n'aie pas acheté son champagne préféré pour trinquer à ce qui est (selon elle) aussi son anniversaire, puisque c'est elle qui m'a mise au monde...
Mon repas d'anniversaire lui aura servi à annoncer l'organisation de ses trois prochaines fêtes d'anniversaire. 

Les jours suivants elle boudera copieusement, sans raison autre que le fait que l'on ne s'occupe pas assez d'elle, à son goût. 

Pendant le week-end j'aurai l'outrecuidance de me soucier de la santé de mon amoureux, très exceptionnellement souffrant et j'essuierai moult moqueries et autres pics de jalousie de sa part. Des amis de passage l'entendront longuement se plaindre du fait que je sois une mauvaise fille qui ne se réjouit pas d'avoir sa maman chez elle pendant tout un mois ou pour l'emmener en vacances. 

Et quand la veille de son départ elle percevra ma hâte de retrouver la quiétude de notre quotidien, elle simulera (? "Pierre et le Loup") un mal de dos l'empêchant de rentrer chez elle. Et pendant des heures elle se plaindra au téléphone, à qui voudra l'entendre, de sa fille indigne qui ne prend pas soin de sa vieille mère souffrant le martyre au point de ne pouvoir marcher, alors-même que deux jours auparavant elle passait des heures au téléphone pour s'occuper de son mari à peine malade. 

Le soir-même je l'emmènerai chez l'ostéopathe, mais ce ne sera manifestement pas suffisant puisqu'elle passera les journées suivantes dans la chambre au téléphone à se plaindre à qui voudra l'entendre. 

Et le week-end nous recevrons des amis, qu'elle commencera par snobber en nous rejoignant 45 bonnes minutes après leur arrivée (il faut bien soigner son entrée), mais elle les trouvera bien sympathiques quand ils me feront des compliments, ainsi qu'à mes enfants, car après tout comme c'est elle qui m'a mise au monde, tous ces compliments s'adressent à elle en réalité.

Prétextant une petite sieste, elle ira enfiler une nouvelle tenue pour dire au revoir à nos invités, accrochée au bras de son petit-fils, telle la reine-mère en son royaume. 

Et toute à la joie d'avoir vu du monde et reçu enfin les compliments escomptés avec sa seconde tenue, enfin, elle se deridera et se montrera aimable et souriante les trois derniers jours parmi nous (sur quatorze).

Il faut bien soigner sa sortie, qui sait, des fois que je ne serais pas pressée qu'elle revienne. 


6 commentaires:

Eve a dit…

Ouh la, moi qui me plaint de la mienne, de mère, qui fait dans le passif/agressif...finalement le côté passif n'est peut-être pas si mal que ça.
Félicitations en tous cas pour cet engagement de 15 jours!!

Névrosia a dit…

Merci Eve. Je n'ai pas tout raconté de peur de passer pour une exageratrice tant son comportement semble parfois surréaliste, mais quand elle m'exaspère au plus haut point, je tâche de me souvenir de ce qu'elle a pu faire de bien pour moi dans le passé et je mets son agressivité permanente sur le compte de la maladie, la vieillesse et la solitude, qu'elle ne supporte pas.
J'en parlais avec ma fratrie et elle se comporte de la même façon avec tous ses enfants, sauf que c'est chez moi qu'elle aime le plus aller... Trop d'la balle ! (elle a d'ailleurs dit plusieurs fois que c'est chez moi qu'elle ira vivre quand elle ne sera plus assez autonome pour rester chez elle).
Heureusement, mes enfants et mon amoureux font de bons casques bleus. Et oui, je confirme, le côté passif peut être appréciable.

Annette a dit…

Comment dire ! je viens d'annoncer à la mienne que je serai absente 2 ou 3 jours à partir de mercredi ! Oh la la ! je lui ai rappelé que je n'étais pas partie cet été alors que mes 4 frères et soeurs avaient pris 3 ou 4 semaines... mais voilà voilou, je suis celle qui en fait le plus (courses, administratif, visites), n'a plus d'enfants à charge , vit seule et n'a donc que cela à faire que de passer son temps chez elle et en faire un maximum... Surtout ne pas rentrer dans cet engrenage.

Névrosia a dit…

Annette :
Je compatis.
L'une de mes sœurs aînées est célibataire et sans enfant. Alors qu'elle s'occupe patiemment de notre mère plusieurs fois par semaine (c'est la plus proche géographiquement), notre mère la malmène pour ces mêmes raisons et parce que son statut ne la fait pas assez briller socialement.
J'ai répondu à ma mère que j'avais d'autres projets d'avenir que lui changer ses couches, elle ne m'a pas adressé la parole pendant des semaines.
Je suis très surprise par l'égoïsme et l'égocentrisme de ces femmes. J'ai demandé à mes enfants de m'euthanasier si un jour je devenais comme ma mère.
Bonne pause de 3 jours (trop courte bien sûr) bien méritée. Et à l'avenir, ne pas hésiter à partager la charge avec les 4 frères et sœurs... C'est aussi leur mère.

Anne a dit…

Mon été a tourné autour de ma mère mais, chanceuse je suis, elle n'est pas chiante!
(En l'écrivant je me rends compte que notre été d'il y a deux ans aussi, avait tourné autour d'elle, la rénovation de sa maison. C'est... Bref! (Quand mes parents se sont installés à quelques kilomètres de la maison, au moment de leur retraite mon père m'a dit qu'ils avaient choisis d'habiter prés de chez moi (plutôt qu'à coté de l'un de mes frère et sœurs) parce qu'ils savaient que je ferai ce qu'il faut...)).

Névrosia a dit…

Toi aussi tu es l'élue ! :-D
Ma mère n'a pas toujours été si pénible, même si elle a toujours fait en sorte d'être dépendante de moi, de bien des façons, depuis mon plus jeune âge.
Ce qui me frappe, c'est qu'en vieillissant ses défauts prennent le dessus sur ses qualités, elle est de plus en plus anxieuse et aigrie.
L'anxiété et la peur, je les ai observées chez nombre de femmes plus âgées qu'elle, mais j'ai aussi eu l'exemple de femmes indépendantes, agréables et bienveillantes.
Je veux croire que pour certaines les qualités prennent le dessus sur les défauts en vieillissant, sinon ça promet pour mes enfants, %)