Le jour où j'ai failli finir en prison

 Lorsque mon bûcheron m'a demandée en mariage, ça a fait naître chez moi de sourdes angoisses.

Après des années de procédure de divorce hyper-conflictuel, et même si l'idée qu'il fasse de moi une "honnête femme" réjouissait ma mère, je n'en mourrais pas d'envie.

J'aimais notre union libre, motivée par le seul fait de nous aimer et le simple bonheur d'être ensemble. Seulement je sentais que c'était important pour mes enfants, aussi, que nous officialisions les choses.

J'y ai donc réfléchi sérieusement et j'ai proposé à mon bûcheron de consulter un thérapeute de couple, pour avoir un espace de parole dans lequel nous aborderions tous les sujets relatifs à notre recomposition familiale, même les plus sensibles.

Comme il était délicat de demander à nos amis s'ils connaissaient un thérapeute de couple, nous avons choisi sur internet le plus proche de la maison, ayant de bons avis.

Mon intuition a été en alerte dès la première fois. Il était en retard, nous croisions les autres couples (embarrassés) dans la salle d'attente et il nous a reçus avec une attitude à la fois nonchalante et hautaine.

Il portait un jean serré, des santiags en croco et une chemise à moitié ouverte. Après nous avoir invités à nous installer dans deux fauteuils très écartés l'un de l'autre, il s'est installé face à nous avec une jambe pliée sous les fesses, dans un immense fauteuil, en position semi-allongée.

Il a commencé par nous dire combien il était extraordinaire et pourquoi tous ses clients l'adulaient, puis nous a dit que si nous n'étions pas à l'aise avec lui et/ou sa méthode, il suffisait de lui envoyer un SMS, sans plus d'explications, pour annuler le rendez-vous suivant.

Nous nous sommes rendus chez ce thérapeute trois fois. Je ne sais de quel courant psychanalytique il se revendiquait, mais non seulement il se permettait parfois des jugements déplacés, mais quand nous ne comprenions pas son jargon, il s'agaçait. Son seul talent était de mettre le doigt sur les sujets sensibles, de faire monter la tension sur lesdits sujets et de nous inviter à en parler entre nous avant la séance suivante.

Évidemment, ça se transformait en immenses disputes à peine entrés dans la voiture et nous avons décidé de mettre fin à cette thérapie, quand à la troisième séance il nous a fait remarquer que nous avions beaucoup de problèmes très graves (sans proposer de solution) et qu'il se demandait si nous marier était une bonne idée.

Je lui ai donc envoyé un SMS, comme convenu, pour mettre fin à nos séances avec lui. Le lendemain j'étais en conférence toute la journée et il m'a bombardée de SMS pour que je lui explique pourquoi nous arrêtions.

Au bout du 4ème ou 5ème SMS de sa part, agacée, je lui ai répondu qu'il nous avait dit que nous n'aurions pas à nous justifier si nous souhaitions arrêter, mais puisqu'il insistait, il devait savoir que les séances en couple n'étaient plus nécessaires car j'avais éliminé mon compagnon.

Le soir-même, alors que j'avais éteint mon téléphone car nous étions au cinéma, il a laissé pas moins de cinq messages inquiets sur mon répondeur, me demandant de le rappeler de toute urgence. Ce que j'ai fait en sortant du cinéma. Il avait pris mon SMS au premier degré et s'apprêtait à appeler la police. Mon bûcheron était mort de rire.

Quelques temps après nous avons trouvé un thérapeute pratiquant une méthode d'écoute active et de communication bienveillante dans le couple. Nous avons adoré ces séances durant lesquelles nous avons pu mettre les choses à plat, nous parler avec bienveillance et dont nous ressortions plus amoureux que jamais.

Rassurée sur notre capacité à aborder nos futurs désaccords sereinement et à en discuter de façon constructive, j'ai eu envie de m'engager officiellement dans cette union et nous avons fixé une date pour le mariage.