"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

30.3.22

Familles je vous aime

Luna part a écrit un jour, ici ou ailleurs : "pour vivre heureux, vivons cachés".

Et c'est vraiment le sentiment que j'ai aujourd'hui. 

C'est un peu bizarre de constater que quand vous semblez heureux dans votre relation amoureuse, nombre de personnes qui ne se souciaient pas que vous puissiez être malheureux avant, se sentent agacés par votre bonheur. 

J'ai toujours considéré que le bonheur est contagieux et, même dans les heures sombres, le bonheur de mes proches me réchauffait le cœur et me donnait espoir.

Dans la famille de mon bûcheron c'est moins évident. Quand nous nous sommes rencontrés il y a quelques années, tout le monde semblait heureux pour lui qu'il retrouve de la joie de vivre et maintenant ils semblent agacés qu'il en ait un peu trop.

Alors, ces gens se permettent régulièrement de lui faire remarquer que c'est bien qu'il s'entende bien avec mes enfants, mais qu'il ne faut pas qu'il s'entende mieux avec eux qu'avec ses propres enfants (qu'il aime et dont il se soucie), comme s'il devait procéder à une comptabilité affective.

Et ils se sont tous rapprochés de son ex-femme, native de leur village, qui se complaît dans une posture de victime, tout en claironnant qu'elle revit depuis qu'elle est seule, mais qu'elle restera seule et qu'elle sera pour l'éternité la seule vraie épouse de mon bûcheron, car ils ont été ensemble près de 30 ans et elle lui a donné deux enfants : prime à l'ancienneté et à la maternité ! 

C'est très étrange pour nous vu de loin car mon bûcheron et moi avons eu des divorces longs et bien consommés. 

Nous ne ressentons plus ni colère, ni nostalgie pour nos vies d'avant, qui sont désormais floues dans nos esprits et même si nous éprouvons beaucoup de tendresse pour les souvenirs d'enfance de nos enfants, pour ce qui est des souvenirs amoureux, nous nous souvenons désormais mieux de nos souvenirs communs. .

C'est vraiment très étrange cette impression que nombre de personnes sont restées figées dans le passé, alors que mon bûcheron et moi sommes pleinement ancrés dans le présent et aimons faire des projets ensemble. 

Lors des rassemblements dans sa famille je ne me sens pas très à l'aise. Ils ont le goût des très grandes assemblées où on discute un peu superficiellement avec tout le monde, en buvant debout pendant des heures. Alors que je n' aime rien de plus que les petits groupes dans lesquels on peut échanger confortablement assis et apprendre à connaître ses interlocuteurs.

Du coup, gros rassemblement de prévu dans sa famille dans quelques mois et je sais déjà que je serai très observée, que ça va durer des heures, que je devrai me montrer agréable et souriante, pour faire plaisir à mon bûcheron, alors que je penserai sans cesse à ces longues heures que j'aurais préféré employer à lire ou aller au cinéma.

Soupir. Je vais y aller bien sûr, car mon bûcheron sera encore moins à l'aise de découvrir ma plus grande famille dans quelques mois lors d'un mariage, mais plus le temps passe et moins j'apprécie ces contraintes socio-familiales, même si je sais que nous ne pouvons pas vivre repliés sur nous-même. 

Je vais faire la Joconde. 

9 commentaires:

Eve a dit…

Je me souviens avoir évoqué mon appréhension d'une de ces réunions avec mon père, qui a eu ce mot d'une grande sagesse (!): bois un coup, ça passera mieux.

Névrosia a dit…

Eve :
:-) je note le conseil merci, mais je ne bois pas dans ces occasions car je ne bois pas si je dois conduire les heures suivantes et vu que mon bûcheron, lui, applique plus que de raison le mot de sagesse de ton père, je n'ai pas cette échappatoire. J'ai essayé une fois de fumer un joint et j'ai été atrocement malade. J'ai une autre idée pour m'échapper un moment et me détendre, il ne devrait pas dire non ;-)

Eve a dit…

Le note ta 3e option, après l'alcool et la drogue: je n'y avais pas pensé, mais je vais essayer (repas de Pâques programmé depuis hier soir!..)

dany42 a dit…

Je comprends ton ressenti... ces grands rassemblements avec des personnes que l'on n'a pas choisies et qui nous sont imposées me dépriment et je suis en colère de perdre un temps précieux de loisirs et de lâcher prise ! des bises

Névrosia a dit…

Eve :
Je n'aime pas tout de Gavalda, mais j'avais beaucoup aimé l'échappée belle. L'as-tu lu ?

Dany :
C'est ça ! Je me disais que je vous aurais bien invités, ton chéri et toi. Lui aurait été ravi de discuter avec autant de natifs de leur pays adoré, voire de se trouver à nouveau des connaissances communes, et nous aurions pu papoter pendant des heures, voire nous échapper pour aller nous asseoir au bord de l'eau, à une brocante ou une foire aux livres...

Eve a dit…

Je l'ai lu il y a quelques années, c'est d'ailleurs celui qui m'a éloignée de son auteure parce que j'ai vu dans ses livres plus une recette qu'un texte authentique. Honnêtement je me souviens vaguement d'une fratrie invitée à un mariage?..

Névrosia a dit…

Eve :
C'était plus une grosse nouvelle qu'un roman, avec quelques poncifs certes.
Ce qui m'avait plu dans ce bouquin c'est qu'un groupe de personnes qui se connaissent depuis longtemps (une fratrie) s'affranchissait un moment de leur obligation sociale commune (ne pas participer au mariage d'un membre de leur famille) et se parlaient directement (pas par l'entremise de leur mère) pour la première fois depuis longtemps.
Je suis souvent surprise du nombre de contraintes sociales et familiales que l'on s'impose, pour faire plaisir à quelqu'un, alors que l'on en n'a pas envie et aussi, combien on ne se parle pas vraiment.
Je ne sais pas si je vieillis mal, mais perdre du temps à jouer un rôle social me coûte de plus en plus.

Eve a dit…

Je suis tellement d'accord: j'essaie de limiter les contraintes au minimum acceptable, et de parler et écouter vraiment, mieux. Mon cercle s'est resserré, mais j'en apprécie la grande qualité. Je pense c'est aussi ça, vieillir, pas forcément mal d'ailleurs

Névrosia a dit…

Eve :
Je me sens comprise et agréablement vieille. Merci.