"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

7.11.17

Partie

La maman de mon amoureux s'est éteinte dans son sommeil il y a 10 jours.
Son état de santé s'était beaucoup dégradé depuis cet été et même si la fin semblait imminente quand nous lui rendions visite je cherchais son regard, que j'avais aimé si vivace, si rieur.

C'était la première fois que j'assistais aux obsèques d'un proche. Je me suis crue insensible en ne ressentant rien en voyant sa dépouille avant que les pompes funèbres ne ferment le cercueil, mais ce corps rigide était tellement étranger au souvenir que je conserve d'elle que je n'ai pas pu la reconnaître.

L'église de la petite ville dans laquelle elle a vécu et élevé ses enfants était pleine. Nombreuses sont les personnes qui ont suivi l'office depuis l'extérieur. C'était un très bel hommage.

Je me suis contentée de tenir la main de l'homme que j'aime et d'être auprès de lui le plus possible depuis. J'espère n'avoir pas été trop maladroite dans mes propos en espérant le réconforter, mais les mots peuvent-ils être du moindre réconfort dans ces circonstances ?

J'étais consternée par les absurdités que peuvent proférer même certains membres de la famille  et amis. Combien de fois ai-je entendu lors des obsèques : "c'est triste qu'elle soit partie, mais il ne fallait plus que ça dure, au moins elle ne souffrira plus", alors qu'elle ne souffrait pas physiquement. Elle s'était étiolée au fil du temps mais ses enfants auraient donné cher pour pouvoir continuer de l'embrasser en allant la voir au moins une fois par semaine.

Je vous passe le : "On ne devient vraiment un homme que quand on a perdu ses deux parents".
Ces propos se voulant bienveillants nous ont laissés cois. Il n'y a pas plus homme que mon bûcheron, mais il a pourtant le droit de se sentir orphelin et d'exprimer sa peine.

C'est compliqué d'être à côté de l'homme que j'aime sans savoir comment atténuer une peine qu'il ne parvient pas à exprimer, alors je me contente de m'assurer qu'il sache pouvoir sur moi compter et m'arrange pour être disponible pour lui, sans pour autant l'étouffer.

Il faudra du temps, de l'amour et des rires. Je vais tâcher de lui donner des 3.

13 commentaires:

ACT a dit…

La perte d'un parent est toujours douloureux quelque soit l'âge!
Pleins de pensées à votre famille pour cette période de deuil.
Plus tard, j'espère que vous rirez en vous souvenant de cette belle personne qui a été si aimée.

Névrosia a dit…

Merci beaucoup

Anne a dit…

Gilles a perdu sa maman il y a un peu plus d'un an et quelque soit l'âge c'est difficile, douloureux.
Bisous et câlins consolateurs.

Eve a dit…

Les gens sont souvent maladroits quand ils ne réfléchissent pas à ce qu'ils disent...
J'ai la chance de ne pas avoir vécu la perte d'un vraiment proche, mais je pense que la peine, on ne peut pas vraiment l'atténuer. Il me semble qu'il faut la traverser, et que si on a quelqu'un de bienveillant pour nous tenir la main pendant ce temps, c'est mieux.

Il y a quelque jours j'ai eu une conversation à ce sujet avec une amie (elle parlait aussi des bêtises entendues quand elle évoquait la mort de sa mère...), et je me disais en la voyant pleurer tout simplement en évoquant sa maman, que ça me semblait juste: elle semblait ressentir sa peine, sans chercher à la cacher.
Elle me disait qu'elle n'attendait pas qu'on la console, parce que ce n'est pas possible, mais juste qu'on accepte de la voir moins en forme que d'habitude en cette période difficile.

Je me souviens très bien de ton texte évoquant cette dame et sa relation avec ses enfants. C'était très beau et tout simple, comme ont du l'être la cérémonie et l'église pleine de monde. Je suppose que c'est ce qui restera après la peine, cette beauté.

Bon courage.

dany a dit…

Des bises à vous deux....

Anonyme a dit…

quel que soit notre âge, nous sommes orphelins lorsque nos parents"s"en vont". Le chagrin n'est pas quelque chose qui de mesure, les mots sont souvent dérisoires et si souvent maladroits, seule une présence chaleureuse et aimante permet de continuer à avancer avec courage malgré le sentiment d'avoir VRAIMENT perdu nos racines.
Bon courage à ton amoureux, il a la chance de t'avoir à ses côtés, cela n'enlève pas la peine mais seul ce serait plus difficile

Névrosia a dit…

Anne, Eve, Dany et Anonyme :
Merci à vous tous

Anonyme a dit…

Oui juste être là et lui apporter ta présence, ton amour et tes rires. Accueillir ses silences et sa peine...
ça avait l'air d'être une chouette femme. Tu l'avais bien décrite.

Des bises du Nord.

Lysa

Mistinguette a dit…

J'ai perdu mon père il y a 15 ans.
Mon mari a perdu le sien l'an passé.
Son beau-frère vient de mourir, il y a deux jours.
Ce sont des moments fort, des moments qui rassemblent les vivants autour des morts. Des moments douloureux mais qui resserrent les liens et recentrent sur l'essentiel.
Et si on a la chance d'avoir la foi, même toute petite, on sait que l'aventure ne fait que commencer...
Je t'embrasse fort.

myriam a dit…

Voilà, c'est ça, juste entendre et respecter la peine...
Je me souviens quand ma mère a perdu la sienne, j'avais 20 ans, et beaucoup de mal à accepter de voir ma mère triste et silencieuse, si différente de celle qu'elle est d'ordinaire. Aujourd'hui je sais qu'il y a le temps de la peine, et qu'il est incompressible... alors plein de courage à ton homme, et de tendres pensées.

Névrosia a dit…

Lysa, Mistinguette et Myriam :
Merci beaucoup pour vos paroles réconfortantes.
Mistinguette, bon courage à ta famille.
Grosses bises

Eve a dit…

En lisant un livre d'Isabelle Filliozat, j'ai aimé ce passage, qui souligne la fonction des émotions, notamment la tristesse:

"La tristesse est le nom de cette cascade de substances chimiques accompagnant le travail du deuil. Suscitée par une perte, par une séparation, elle nous invite à nous retirer du monde pour pleurer l'être cher. Elle souligne le vide et le manque. Elle nous dit combien nous aimions et nous permet de prendre le temps de dire au revoir."

Névrosia a dit…

Très joli, merci.