"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

28.3.17

In ze tigivi

Pleinement consciente de ma chance de pouvoir partir en formation, alors que nos éducateurs nationaux peinent à obtenir ce qui est à la fois un droit et un devoir, j'étais excitée comme une collégienne à la veille de son premier rendez-vous au cinéma avec un garçon (même boutonneux).

Prévoyante, j'avais rempli le frigo à ras bord (sait-on jamais qu'une guerre mondiale se déclare sous 48h et que ma descendance décide de se gaver de pâtes et biscuits bios pour se rassurer – les réflexes psychologiques maternels sont parfois fascinants d'incohérence), préparé moult plats à réchauffer (alors que même le plus jeune de mes enfants est assez débrouillard pour se préparer les plats de base ), lavé et rangé tout leur linge dans leurs armoires (sait-on jamais, la météo fort clémente annonçait de belles journée ensoleillées, mais prises de folie mes têtes multicolores auraient pu décider de porter en superposition tous leurs vêtements justement ces deux jours-là) et parfaitement nettoyé et rangé la maison avant de partir (tout en sachant que je ne manquerais pas d'être extrêmement exaspérée par le bazar que je trouverais à mon retour).

Bref ! Je partais l'esprit tranquille et les baskets aux pieds. J'aurais pu opter pour le style follement élégant de ces femmes qui semblent vouloir laisser aux autres voyageurs un souvenir impérissable en arborant une mise impeccable, l'air détaché et légèrement hautain de la voyageuse aguerrie, mais je suis moi hein ! Alors l'élégance folle je veux bien, mais pas quand j'ai décidé de remplacer mon très élégant sac de voyage (mais ô combien inconfortable porté sur l'épaule quand il est trop chargé) par un sac à dos décontracté et chic à la fois.

J'avais donc pris soin d'embrasser ma descendance la veille avant son endormissement, car je devais me réveiller à 4h30 pour aller attraper le premier métro, puis le premier tigivi.
NOTA : j'suis pas une trouillarde, hein, mais il ne fait pas bon se promener dans les rues sombres et vides de la ville au petit matin quand Petitout, ton fils bien aimé, t'a expliqué quelques jours auparavant la recrudescence des rats des villes* de plus en plus agressifs, qui semblent poser bien des soucis aux services d'hygiène de la métropole dans laquelle vous vivez. Je suis presque certaine d'avoir entendu une bande de rats comploter pour savoir par quelle partie de ma charnue anatomie ils allaient attaquer lorsqu'ils se jetteraient tous ensemble sur moi pour me dévorer, mais pour ma défense je n'avais réussi à dormir que 2 heures cette nuit-là.

Vous l'aurez compris, toute au stress de laisser mes bébés... [Aparté : Oui, on peut avoir respectivement 19 ans, 16 ans et 14 ans, mesurer plus de 2 mètres pour l'aîné et les atteindre allègrement pour le plus jeune, avoir désormais un corps et un esprit féminin, pour la représentante au chromosome XX du groupe et rester dans le cœur et la tête de sa maman : son bébé.
Ne vous épuisez pas à essayer de me faire entendre raison sur ce point, je sais que ce sont désormais des adultes (ou presque), je les traite comme tels, reconnais leur maturité et leur capacité à faire face aux problèmes avec intelligence et détermination, mais je vous jure que même si je ne dis rien pour les laisser se confronter à la vie, lorsque l'on s'en prend à eux au fond de moi je suis tellement en colère que c'est comme une transformation en Hulk de l'intérieur. Dans ces cas-là ce sont mes bébés qu'on attaque et j'ai envie de déchiqueter l'agresseur avec mes dents, même si je semble impassible. Ce doit être hormonal, je pense.]... je m'étais agitée jusqu'à l'épuisement, avais peu dormi mais réussi à me réveiller à l'heure et me doucher en un temps record.

Re-bref ! Je partais guillerette, sereine et en me disant que c'est drôlement chouette quand vos enfants grandissent et je suis arrivée à l'heure en gare tigivi. Je me suis d'abord amusée à observer le public des grandes gares à la première heure, ai décidé à la dernière minute de m'acheter un thé et une viennoiserie pour me sustenter dans le tigivi et c'est toujours aussi guillerette que je suis montée dans ce dernier avec le sourire béat de la provinciale qui a l'impression d'aller conquérir le monde, alors qu'elle se rend juste dans la capitale, où elle a vécu pendant plus de 30 ans, rappelons-le.
La provinciale guillerette et agaçante avec son sourire 10000 lux de 6h du mat, a dû entrer à toute vitesse dans la voiture en partie basse. En arrivant au niveau de mon siège j'ai réalisé que je devais enlever mon encombrant sac à dos à toute vitesse pour le poser entre les deux rangées de sièges derrière moi et toute à ma hâte de le retirer de mon épaule assez vite pour laisser les autres voyageurs accéder au fond de la voiture dans cette allée étroite, mon sac trop lourd a basculé soudainement et à moitié assommé une voyageuse déjà installée dans le siège le plus proche.

Confuse, j'ai platement présenté mes excuses à la dame qui semblait peu encline à me pardonner. Je ne savais plus où me mettre (au sens propre comme au figuré) alors j'ai attrapé mon encombrant sac à dos, ai demandé à ma voisine de voyage de bien vouloir me laisser me mettre sur ma place (je prends toujours le siège fenêtre pour me perdre dans le paysage) et alors que je restais debout en attendant que les autres voyageurs s'installent pour repartir ranger mon sac à dos, sans réfléchir j'ai posé mon verre de thé sur mon siège qui s'est immédiatement renversé vers le siège de ma voisine et lui a brûlé les fesses peut-être au second degré (mais je n'en suis pas sûre, elle n'a pas voulu baisser son pantalon devant tout le monde pour me laisser vérifier).

Elle a jailli de son siège tel un diable de sa boîte (ou une femme brûlée aux fesses au second degré, au choix) et j'ai atteint le stade de mortification ultime - celui juste avant le désir de mort par combustion spontanée.

Mais la dame fort sympathique a semblé rassurée par le fait que son pantalon ne soit pas tâché et devant ma sincère contrition ne m'en a pas tenu rigueur. J'ai asséché sa partie de siège avec soin, ai posé délicatement mon mouchoir en tissu (oui je fais partie de ces personnes qui ont toujours de jolis mouchoirs en tissus sur elles, en plus des mouchoirs en papier jetables pour l'hygiène) et le reste du voyage s'est déroulé sans encombre dans la torpeur du premier tigivi du matin.

Je l'avais oublié toute amoureuse que je suis de notre ville d'adoption, mais pu...fichtre, que Paris est belle sous le soleil !

p.s : je vous épargne le récit de la provinciale qui souriait béatement en marchant dans les rues parisiennes et même dans le métro parisien, car je n'ai plus blessé personne alors c'est moins intéressant.

* jamais là quand il faut l'autre avec avec sa flûte !

5 commentaires:

Anne a dit…

Ma puce!!! J'adorerais voyager avec toi!
Jamais d'ennui!

Christellemars a dit…

Rooo ! J'en ris toute seule avec mon ordi sur les genoux !!!

dany a dit…

Morte de rire! je veux bien voyager avec toi mais 10 rangées de siège derrière le tien!
Tes grands petits ont mangé toute tes préparations???
Prévoit une date pour la 2ème quinzaine d'Octobre ou en Noovembre pour ton cours cuisine crème de marrons...

Anonyme a dit…

J'adooore et me retrouve dans tes mots (sauf pour la partie maladresse ;-))

Moi aussi je souris toujours beaucoup quand je vais à la capitale...

Des bises du Nord où tu es toujours attendue !

Lysa

Névrosia a dit…

Anne :
;-) je reconnais bien là ton côté aventurière !

Christellemars :

;-) bien heureusement pour la survie de mon entourage je fais rarement preuve d'autant de maladresse.

Dany :
:-)tu as bien raison de prévoir une distance de sécurité.
Ils n'avaient pas tout mangé et m'ont cramé une casserole, mais dans l'ensemble tout s'est très bien passé.
C'est noté ! Mon bûcheron me dit que je vais déchanter quand je devrai peler des kilos et des kilos de châtaignes, mais on n'a rien sans rien ;)

Lysa :
C'est avec grand plaisir que je viendrai à ta rencontre dès que je le pourrai.
Des bises lyonnaises ensoleillées