"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

17.6.25

Vieille

Souvent on me dit que je ne fais pas mon âge, pour de simples raisons génétiques, mais je sais bien que je suis vieille :

Je ne suis plus aussi leste qu'avant pour faire des acrobaties ;

Je souris d'un air goguenard lorsque mes médecins, banquiers et conseillers en tous genres, qui ont l'âge de mes enfants, veulent me faire la leçon ;

Je suis surprise à chaque fois que j'apprends le décès d'une icône de mon enfance ;

J'ai des cheveux blancs sur la tête et pas que sur la tête*... ;

J'ai connu Yves Mourousi et Marie-Laure Augry ;

Je suis consternée par ce que les nouvelles technologies ont fait des sciences de la communication et de l'information ;

J'ai acheté un meuble en tissu pour ranger les téléphones portables quand nous rentrons à la maison, mais personne ne le fait jamais, même pas moi ;

Du coup, en arrivant nos visiteurs se demandent à quoi sert ce truc avec des poches à l'entrée de la maison et si nous faisons la quête ;

Je prie pour qu'un virus technologique fasse que l'on revienne à l'époque où nous ne pouvions communiquer qu'en nous déplaçant pour nous voir, par courrier, téléphone fixe ou télégramme pour les urgences ;

Je sais que je suis vieille et même si je voulais l'ignorer je ne le pourrais pas, mon plus jeune enfant se faisant un devoir de relever quotidiennement mon "état de délabrement"** ;

Je sais que le fond compte plus que la forme et qu'un poète peut se cacher sous la plume d'un dysorthographique et/ou dyslexique ;

Il n'empêche, je ne comprends pas la baisse manifeste du niveau de langue française***, notamment dans les échanges professionnels. Chaque jour je prends sur moi pour ne pas retourner les écrits que je reçois après avoir surligné toutes les erreurs d'orthographe et de syntaxe.

Vieille.


*sur la barbe aussi.

**et pourtant je sais qu'il est bien de moi, c'est le seul qui n'ait pas pu être échangé à la naissance, puisque sa toilette et les premiers soins ont été faits dans une pièce attenante à la salle d'accouchement. A travers la grande baie vitrée, j'ai pu assister à tout, jusqu'à la pose du bracelet de naissance et retour du de mon adorable bébé en pyjama dans mes bras pour la première tétée bio : processus ISO 2002 afin de garantir une parfaite traçabilité du nouveau-né.

***Je suis favorable au grand remplacement ! Je propose que ces fossoyeurs de la langue française soient déchus de leur nationalité française et qu'elle soit refilée aux étrangers qui ont le niveau de connaissance de la langue française requis.


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