"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

21.5.24

Au revoir Jacques

Jacques c'était la bonhomie faite homme. Un gars tout en rondeur, en gentillesse, en générosité, en attentions et en rires.

Quand il passait sa tête après avoir doucement ouvert la porte de mon bureau, il savait qu'il me tirerait un sourire, même si je croulais sous le travail et que ce n'était pas le moment. Parce que pour lui c'était toujours le moment.

Jacques m'avait offert plein de chocolats pour Noël, un très beau cadeau pour mon pot de départ et sa joie de vivre à chaque fois que nous nous voyions.

Jacques était un super mari, un super père, un super grand-père et faisait l'unanimité. Et pourtant, c'est rare qu'une personne fasse l'unanimité, même à l'échelle d'une petite commune.

Aussi, quand on m'a appris le décès de Jacques, dû à un foudroyant cancer du pancréas, j'ai pensé à la fille chérie de mon amie Dany, puis à lui. C'est donc vrai que ce sont les meilleurs qui partent les premiers... Que tous les nonagénaires se posent les bonnes questions.

Evidemment, j'ai pris ma matinée pour aller dire au revoir à Jacques et j'ai drôlement bien fait. Ce n'était qu'amour, humour et générosité, comme lui.

Et en sortant j'ai bien remarqué que tout le monde me dévisageait avec curiosité, dans cette pourtant grande assemblée. Ce n'est qu'en rentrant à la maison que je me suis rendue compte que mon pantalon, pourtant noir, laissait clairement apparaître les motifs très colorés de ma culotte. Tu as dû bien rigoler, Jacques, de toutes ces personnes distraites par mon derrière alors que nous te rendions un si solennel hommage.

J'ai commencé à m'interroger l'après-midi, quand, toute bouleversée, je me suis trompée de lieu de rendez-vous professionnel et suis arrivée très en retard, chose qui ne m'arrive jamais.

J'ai eu de sérieux doutes quand toute la circulation s'est retrouvée immobilisée en centre ville, car les services municipaux taillaient les platanes du cours central, encore un peu plus en retard.

Et puis quand j'attendais que l'on m'ouvre en bas de l'immeuble, je voyais bien que les passants me dévisageaient, ce n'est qu'en entrant dans l'immeuble que je réalisai que la longue veste vert citron que j'avais enfilée pour l'après midi était totalement couverte de petits moucherons noirs, visiblement friands de cette teinte vive.

Ce n'est qu'en arrivant à mon dernier rendez-vous que j'ai compris, quand j'ai appris que, pour la toute première fois, mon patient était absent. 

Tu me taquinais souvent au sujet de mon goût pour l'élégance, pour ma scrupuleuse ponctualité, mes vêtements parfois outrageusement colorés et du fait que mes patients honoraient toujours nos rendez-vous, detrompant ainsi les statistiques nationales.

Au revoir Jacques et merci de m'avoir fait rire aujourd'hui aussi. 

2 commentaires:

Pommd'Happy a dit…

Il y a parfois comme des signes et ces signes mettent un peu de baume au coeur dans un moment douloureux 🙏

dany a dit…

Saleté de maladie Mais si Jacques t'a vu de là-haut il a du bien rire....