"Imaginez que vous vous donnez soudain le droit d'être furieusement heureux. Oui, imaginez une seconde que vous n'êtes plus l'otage de vos peurs, que vous acceptez les vertiges de vos contradictions. Imaginez que vos désirs gouvernent désormais votre existence, que vous avez réappris à jouer, à vous couler dans l'instant présent. Imaginez que vous savez tout a coup être léger sans être jamais frivole. Imaginez que vous êtes résolument libre, que vous avez rompu avec le rôle asphyxiant que vous croyez devoir vous imposer en société. Vous avez quitté toute crainte d'être jugé. Imaginez que votre besoin de faire vivre tous les personnages imprévisibles qui sommeillent en vous soit enfin à l'ordre du jour. Imaginez que votre capacité d'émerveillement soit intacte, qu'un appétit tout neuf, virulent, éveille en vous mille désirs engourdis et autant d'espérances inassouvies. Imaginez que vous allez devenir assez sage pour être enfin imprudent.

Imaginez que la traversée de vos gouffres en vous inspire plus que de la joie. C'était tout cela être le Zubial."

Alexandre Jardin, Le Zubial

29.3.16

Les Voyages de Gulliver

La semaine dernière j'ai passé beaucoup de temps à l'hôpital* et y ai vécu un moment surréaliste...

C'était un peu comme si j'étais ce cher Lemuel et que je me retrouvais dans un lieu où tous les personnages importants étaient des Lilliputiens. 
Quand j'ai rencontré le premier médecin qui s'est présenté comme étant le chef de service je n'ai pas été trop surprise, malgré le fait qu'elle n'avait probablement jamais entendu parler du minitel ou que c'était probablement pour elle un objet de science fiction, mais quand j'ai réalisé que tous ses collègues, dans tous les services de l'hôpital, étaient à peine plus vieux que Toutgrand dont certains avec la même arrogance que les vieux médecins paternalistes, j'ai compris que non, c'est moi qui suis Gulliver.

J'ai attendu en vain de croiser un médecin de plus de 40 ans, mais c'était comme s'ils avaient disparu de la planète hôpital, ils ont dû être victimes d'une faille spatio-temporelle. Il régnait une tension constante, de jour comme de nuit, une désorganisation manifeste et le mal-être des personnels soignants, qui ne cessaient de faire répéter nom, prénom et date de naissance afin d'éviter une erreur médicale pourtant prévisible au vu du niveau de stress et de la pression ressentis par tous, était palpable.

C'était un peu flippant.

C'était comme s'ils ne contrôlaient plus rien et que la machine conduite par de jeunes enfants colériques allait bientôt exploser.

En y repensant j'ai ressenti cela souvent ces dernières années en me rendant dans des services publics, et pourtant je m'attache plutôt au souvenir de la personne agréable et aimable qu'à celui du mauvais coucheur.

En y repensant encore un peu plus j'ai réalisé que le stress, la tension et l’agressivité sont omniprésents dans notre société**, je m'y sens de moins en moins à ma place***, je ne veux pas me battre avec leurs armes.

L'humour, le sourire, la douceur, la poésie et la patience semblent être à la fois des armes et des protections puissantes, protégeons-nous.
 


*ça va, merci.
 
**Dernièrement au boulot j'ai jugulé une très grosse crise en trouvant une solution rapide et efficace, tout en tenant à bout de bras mes collègues qui s'effondraient. Elles m'ont dit qu'elles m'en seraient reconnaissantes à vie, mais quelle vie étrange et épuisante. J'ai tenu bon et gardé bonne mine mais en vrai j'en suis moi aussi sortie lessivée.

***J'ai longtemps pensé avec satisfaction que j'avais juste le bon karma pour ne pas m'ennuyer dans la vie, mais aujourd'hui je donnerais cher pour des pauses quiétude de plus de 24 h.






4 commentaires:

Bellzouzou a dit…

qu'est-ce qui t'est arrivé? (aah oui, le Vous vous appelez comment? toutes les trois minutes à l'hosto, je me rappelle parfaitement bien)
Plains-toi, va, d'avoir eu affaire à de jeunes et beaux médecins (parce que même malaimables, les jeunes, c'est toujours mieux que les vieux (malaimables aussi)

Anne a dit…

Moi j'ai confié mes seins, quelle a allègrement écrasés, à une jeunette qui j'avais eu comme élève! Il n'y a pas si longtemps!!! Elle hésitait à me tutoyer, comme en classe, il n'y a pas si longtemps... Elle était adorable.

Anonyme a dit…

Je me sens aussi de moins en moins à ma place dans cette société...
C'est déjà l'âge canonique ! Merde 44 ans c'est quand même pas si vieux si ???

Des bises du Nord en tout cas...

Lysa

Névrosia a dit…

Bellzouzou :
J'ai pensé à toi cette semaine, j'avais rendez-vous avec un vieux médecin ventripotent et me suis dit qu'effectivement les petits jeunes étaient plus agréables à l’œil. Mais pour les soins médicaux aussi je préfère l'expérience...

Anne :
C'est trop mignon. Ma mère était infirmière alors je ne jette pas la pierre au personnel soignant, mais je sais combien c'est difficile d'exercer ses missions dans le public aujourd'hui et au final c'est le patient qui en pâtit.Nous avons pourtant la chance d'avoir l'accès gratuit aux soins (même si Isabelle parlait du CAS qui semble bien inquiétant), mais dans quelles conditions et pour combien de temps ?

Lysa :
Je m'interroge régulièrement à ce sujet. Je trouve assez pathétiques ces personnes qui refusent de vieillir, mais d'un autre côté je ne me sens vraiment pas vieille. J'ai des projets, des envies... le moyen de les concrétiser plus que quand j'étais jeune, alors pourquoi m'en priver ? A partir de 40 ans sommes-nous censés arrêter de nous faire plaisir ou alors "raisonnablement" en préparant de la confiture ?

Mon corps me dit que je vieillis, c'est sûr, mais tant que quelque chose m'amusera, je m'amuserai, tant que je pourrai combler mes désirs, je les comblerai et quand je ne pourrai plus, j'arrêterai.

Face aux petits jeunes qui nous prennent pour des vieux qui ne comprennent rien (oui ça arrive déjà) en général je ne dis rien, je me contente de poser quelques questions et quand ils réalisent qu'eux non plus ne peuvent pas répondre à tout, ils se calment et je souris ;-)